![Superposition de l'urinoir de Marcel Duchamp ("Fontaine", 1917) et du petit miroir du tableau de Vélasquez, où se reflète le couple royal d'Espagne ("Les Ménines" 1656). Le centenaire de "Fontaine" (Marcel Duchamp, 1917) approchant, j'avais proposé de remettre un urinoir dans un ancien urinoir public, devenu lieu d'exposition ("Le petit cabinet" géré par l'association "Envie de quartier" à Strasbourg). Difficile question de représentation de l'objet. En même temps, une exposition au Grand Palais accueillait Vélasquez, mais sans les Ménines. Déjà l'absence... Installation peut-être surréaliste, février à avril 2016.](https://www.lesmillevuesdelacathedrale.fr/dessins/laurentkohler-installation-fontaine-le-retour-11.jpg)
![Simulation du projet de l’installation « Fontaine, le retour ». On y voit l’arrière d’une toile côté droit du cadre de la vitre et dans l’axe un miroir, comme dans les Ménines (célèbre tableau de Velasquez, 1656). Dans la réalité la toile est un panneau de contre-plaqué, traversé des quatre vis qui tiennent un urinoir de l’autre côté, donc pas visible directement. Seul le miroir dans l’axe au fond du « Petit cabinet » permet se voir soi et l’urinoir. Un texte réfléchi aussi, nous dit : ceci n’est pas un urinoir.](https://www.lesmillevuesdelacathedrale.fr/dessins/laurentkohler-installation-fontaine-le-retour-5.jpg)
En 2015 je réalise qu’il « faudrait », pour le centenaire de Fontaine (Marcel Duchamp, 1917), prévoir le retour de l’urinoir dans la pissotière. Il se trouve que le « Petit cabinet » (Pont du Faubourg de Pierre à Strasbourg), est une ancienne pissotière, du pur Napoléon III, je crois.
L’Association « Envie de quartier » qui gère ce lieu adhère à l’idée. A la même époque au Grand Palais cette fois, grande exposition Vélasquez. Mais frustration, les Ménines ne sortent jamais du Prado. Les Ménines se sont installées dans ma tête. J’avais retenu des Ménines, outre le pied si léger de cet enfant sur le flanc du chien, qu’en gros, ce tableau, représente « la Représentation » – sans trop savoir ce que cela voulait dire. Mais quand même, ce miroir là dans l’axe, et le peintre devant cette toile dont on ne voit que l’envers. Je cherche pendant de longues semaines.
Et Isabelle un jour me demande, à la dérobée « alors tu en es où de ceci n’est pas un urinoir » ? Génial, le déclic, c’était parti.
Et Isabelle un jour me demande, à la dérobée,
« alors tu en es où de ceci n’est pas un urinoir » ?
Génial, le déclic, c’était parti.Si j’osais, je dirais Magritte m’agrippe.
Et s’agissant d’un hommage à Duchamp, je ne me voyais pas offrir une facture nickel. Que les deux grosses vis qui tiennent l’urinoir soient bien visibles – de même que l’envers de la toile de Vélasquez est telle quelle. Et puis les fioritures et le doigt sur la couture, c’est pas mon truc. Et rien que lire l’introduction de Michel Foucauld dans « Les mots et les choses », m’a pris beaucoup de temps. Permettre à un urinoir de faire une révolution d’un siècle pour retourner à la pissotière me réjouissait déjà amplement. Et c’était ma première (je crois…) installation, dans l’espace public en tout cas.
Ce « Petit cabinet » a été investi des dizaines de fois, je voulais réussir un jeu d’optique nouveau (l’envers, le miroir, les doubles sens) et bien sûr m’amuser. Quand on a diffusé l’image du carton (l’urinoir de Duchamp sur le miroir de Vélasquez), j’ai compris qu’en 2016, Duchamp était encore méconnu. Et c’est tellement vrai qu’aujourd’hui encore on attend d’une intervention d’ordre artistique qu’elle soit propre et correcte. Une peinture sera encore souvent voulue « oil on canevas » (qui moi souvent me rebute).
Ce que la médiocre photo que je pratique ne montre pas : sous un certain angle, vous pouviez vous voir avec un urinoir juste devant vous (mais attention ! ‘faut pas pisser !) Et vous pouviez lire « ceci n’est pas un oir » le mot oir étant coupé. « Urinoir, urinoir dis-moi que je suis la plus belle ? » Par exemple… ci-joint donc quelques photos.